OUVROIR DE LITTERATURE POTENTIELLE
Circulaire n°14
COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 17 OCTOBRE 1961
Présents : Arnaud, Berge, Duchateau, Latis, Le Lionnais, Lescure, Queneau, Queval, Schmidt.
Invité d’honneur : Abraham Moles
Président : Latis
Démonstration de magnétophone par Lescure et Duchateau. Moles s’en mêle : résultat nul. Lescure doit enregistrer sans bande ; le résultat, le voici :
On discute des derniers C.R .
Latis déplore qu’ils lui attribuent une mauvaise définition de la philosophie ;
Queneau ………. une mauvaise citation de Rabelais ;
Le Lionnais …… une mauvaise définition de Mandelbrot (laquelle s’appliquait à Apostel).
Cependant que tout le monde met les pieds dans le plat et le dataire sur la sellette, Noël Arnaud déplore que ledit dataire soit mis à la question pendant son absence. A. M. Schmidt déclare estimer tout particulièrement les compte-rendus du dataire. Lescure court au secours de ce dernier. Il fait remarquer :
Le Président lui retire la parole qu’il lui avait à peine prêtée. Queneau trouve qu’après tout, depuis Platon et Xénophon, on n’a jamais rien fait de mieux que ces compte-rendus (ce qui suppose que nous sommes des Socrate). Noël Arnaud reconnaît avoir entériné (sic : mais il n’a pas employé ce mot ; il a seulement essayé de le faire ; en vain) le dernier C.R. de Bens.
Finalement, après avoir envisagé différents perfectionnements des C.R., on décide d’envoyer une carte-postale affectueuse et reconnaissante au dataire Bens—ce qu’on ne fait pas.
Lescure propose que chaque OuLiPien (et surtout les membres correspondants) renvoie au dataire la définition de la philosophie remise en état—tant pour l’édification et la mortification dudit dataire—que pour la réjouissance de tous.
Incidemment, le secrétaire général de Sa Magnificence, Latis, a exposé la méthode Piscator laquelle s’applique à l’art théâtral ; si une scène ne colle pas, on décale les répliques d’un interlocuteur.
Abraham Moles donne quelques indications sur la rédaction des C.R. au M Y A M et conclut : « tout système de littérature est essentiellement projectif » (ce que note rapidement le régent J. Lescure).
Le Satrape Queneau :
Berge fait une communication sur le langage des baleines qui compteraient jusqu’à 9. On ne sait qui demande si elles connaissent l’alphabet morse. On néglige cette remarque.
Latis pose la question des Sonnets de Shakespeare à l’envers. S’ensuivent quelques quiproquos, forcément.
Queneau : Jamais Thomas ne m’en a montré la traduction
Le Lionnais : Voilà une nouvelle affaire Dreyfus qui commence.
Queneau : Quoi qu’il en soit, la potentialité en est minimale.
Latis : Vous n’êtes pas du même avis que Thomas.
Queneau : Si donc.
Latis : En effet
Queneau : C’est bonnet blanc et blanc bonnet (ça faisait cinq minutes qu’il cherchait ça).
On met en suspens les sonnets. Lescure signale que Thomas déjeune à moins de 500 cm. Mouvements divers. Il a disparu.
Latis : Je vais maintenant vous embêter et parler du dossier.
Queneau : La conclusion est supprimée.
Latis (fronçant les sourcils) : Qui a dit ça ?
Queneau : Moi.
(Clameur)
Latis a partie gagnée.
Lescure : Je m’en vais.
Latis : Dites-moi donc à quel dictionnaire vous vous référez. Hatier … ce n’est pas suffisant.
Queneau : Hâtiez-vous lentement.
Lescure s’enfuit.
Abraham Moles fait une communication sur le M Y A M cependant que circule un texte de lui qui fait saliver l’assistance. Il en sera pris copie. Des contacts sont prévus (en plus de ceux avec le M Y A M) :
Queneau doit transmettre à A. M. Schmidt les travaux des correspondants sarrois pour appréciation.
Schmidt pose la question : l’OuLiPo demeure-t-il clandestin ? Discussion confuse. Cependant que Queneau (d’une façon purement affective) le souhaiterait toujours crépusculaire, il faut bien reconnaître que la publication du prochain Dossier mettra l’Ouvroir en pleine lumière.
On se sépare en se donnant rendez-vous le :
Mardi 14 novembre 1961
Même restaurant
(On est prévenu que le restaurant ne fait pas la “limonade”).
Le 14 novembre étant le jour de la sainte Philomène, s’ensuivent quelques propos d’ordre hagiographique entre le secrétaire de Sa Magnificence et le Grand Conservateur de l’O.G.G.
Jean Queval est intervenu à plusieurs reprises au cours de ces débats, mais l’agilité d’esprit du régent Lescure étant bien inférieure à celle du dataire Bens (à l’inverse de son goût pour le tournedos béarnaise), il a été incapable d’en prendre note. Il a été également incapable d’interpréter quelques silences (peut-être significatifs) de Duchateau.
par intérim
J.Q. R.L.
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